Le : 23/04/2014
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 5 mars 2014
N° de pourvoi: 13-84977
ECLI:FR:CCASS:2014:CR00990
Publié au bulletin
Rejet
M. Louvel (président), président
SCP Piwnica et Molinié, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Waquet, Farge et
Hazan, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
-La société Ganesha holding,
-La société Nordi shipping et entreprise participation,
-La société Re entreprise,
-La société Raya holding,
-La société du 42 Avenue Foch,
-La société de l’avenue du bois,
-La société GEP entreprise participation,
-La République de Guinée Equatoriale,
en date du 13 juin 2013, qui, dans l’information suivie contre, notamment, MM. Mourad
B…, Franco Y…, Mme Aurélie Z…, des chefs, notamment, de blanchiment, abus de biens
sociaux, abus de confiance, complicité de détournement de fonds publics et recel, a
confirmé l’ordonnance du juge d’instruction ordonnant une mesure de saisie immobilière ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 5 février 2014 où étaient
présents : M. Louvel, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mmes Nocquet,
Ract-Madoux, M. Soulard, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, conseillers
de la chambre, M. Azema, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE, les observations de la
société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile
professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M.
l’avocat général BONNET ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 6 septembre 2013,
ordonnant la jonction et l’examen immédiat des pourvois ;
Vu le mémoire, commun aux demanderesses, et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 2 décembre
2008, l’association Transparency International France a porté plainte et s’est constituée
partie civile contre, notamment, le président en exercice de la République de Guinée
Equatoriale et son fils, M. Téodoro A…, pour détournement de fonds publics, abus de
biens sociaux, abus de confiance, blanchiment, recel et complicité de ces délits, en
exposant que des biens provenant des infractions dénoncées étaient détenus par ces
personnes sur le territoire français ; que, le 19 juillet 2012, le juge d’instruction a saisi, à
titre conservatoire, au visa des articles 706-141 à 706-147 et 706-150 à 706-152 du code
de procédure pénale, un ensemble immobilier sis à Paris, dont il a retenu qu’il était le
produit du délit de blanchiment et qu’il était détenu par M. Téodoro A…, au travers de
plusieurs sociétés suisses et françaises dont celui-ci était, depuis décembre 2004, l’unique
actionnaire ; que la République de Guinée Equatoriale et les sociétés précitées ont relevé
appel de cette décision ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 191, 591 à 593 du code
de procédure pénale, R. 312-36 du code de l’organisation judiciaire, défaut de motifs,
manque de base légale ;
” en ce que selon les mentions de l’arrêt attaqué, la composition de la chambre de
l’instruction était la suivante :
« composition de la cour :
Lors des débats, du délibéré :
Mme Boizette, Président ;
Mme Dupont-Viet, conseiller désigné par ordonnance de M. le Premier président de la
cour d’appel de Paris en date du 13 mars 2013 M. Guiguesson, conseiller ;
Tous trois désignés en application des dispositions de l’article 191 du code de procédure
pénale » ;
” alors que le premier président de la cour d’appel n’est autorisé, en cas d’indisponibilité
d’un conseiller titulaire de la chambre de l’instruction et lorsqu’il n’est pas possible de
réunir l’assemblée générale, à désigner un remplaçant qu’à titre temporaire et pour une
période déterminée ; qu’à défaut d’avoir constaté l’impossibilité de réunir l’assemblée
générale et d’indiquer la période durant laquelle Mme Dupont-Viet, conseiller désigné par
ordonnance du premier président de la cour d’appel, pourra siéger à la chambre de
l’instruction, l’arrêt attaqué n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la
régularité de la composition de la chambre de l’instruction “ ;
Attendu que la mention de l’arrêt attaqué, selon laquelle le président et les deux
assesseurs composant la chambre de l’instruction ont été désignés conformément aux dispositions de l’article 191 du code de procédure pénale, suffit à établir, en l’absence de
toute contestation à l’audience concernant les conditions de leur désignation, la régularité
de la composition de la juridiction ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-21, 324-7 12° du
code pénal, 706-141 à 706-152, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs,
manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de saisie pénale immobilière en date
du 19 juillet 2012 ;
” aux motifs que le juge d’instruction a visé l’article 131-21 du code pénal sans plus de
précision, et notamment n’a pas visé l’alinéa 5 ou l’alinéa 6 de cet article dans
l’ordonnance querellée ; le magistrat a visé les dispositions des articles 706-141 à 706-147
et 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale ; qu’il n’a pas visé l’article 706-148 qui
prévoit qu’en cas de saisie de patrimoine l’ordonnance du juge d’instruction est prise sur
requête du procureur de la République ou d’office après son avis ; qu’en l’espèce
s’applique l’article 131-21, alinéa 3, du code pénal ; que les dispositions de l’article
131-21, alinéas 5 et 6, ne sont pas applicables, car l’ensemble immobilier objet de
l’ordonnance de saisie contestée du 19 juillet 2012 est le produit direct de l’infraction de
blanchiment, compte tenu des modalités de financement de ce bien, et qu’il ne s’agit pas
d’une saisie de patrimoine élargie ; que, s’agissant d’une saisie immobilière, le juge
d’instruction a procédé à juste titre à la saisie, au visa des articles 706-150 à 709-152 du
code de procédure pénale, lesquels textes ne prévoient pas l’avis préalable du ministère
public, mais la notification de cette ordonnance au parquet et comme il a été procédé, le
même jour, ainsi qu’il figure en mention du greffier (D706/ 13) ; que, dès lors, la présente
ordonnance a été prise conformément aux exigences légales de forme ;
” alors qu’en vertu de l’article 706-148 du code de procédure pénale, le juge d’instruction
ne peut ordonner une saisie de patrimoine, qu’après avoir reçu l’avis préalable du
procureur de la République ; qu’en l’espèce, le juge d’instruction a ordonné la saisie
pénale de l’ensemble immobilier situé sis 40/ 42 avenue Foch sur le fondement de l’article
324-7 12° du code pénal, qui renvoie à la peine de confiscation générale prévue par
l’article 131-21, alinéa 6 ; que cette saisie constituait dès lors, au sens de l’article 706-148
du code de procédure pénale, une saisie de patrimoine nécessitant l’avis préalable du
ministère public ; qu’en décidant le contraire, la chambre de l’instruction a violé les textes
et principes susvisés “ ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des article 131-21, 324-7 12° du
code pénal, 706-141 à 706-152, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs,
manque de base légale ;
du 19 juillet 2012 ;
” aux motifs propres que si l’article 22 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, la
jurisprudence internationale et la jurisprudence française de la Cour de cassation
reconnaissent le principe de cette immunité, il y a lieu d’examiner si les biens considérés,
soit l’immeuble du 40/ 42 avenue Foch à Paris et les biens meubles le garnissant ont été
destinés et ont effectivement servi à l’accomplissement d’une mission diplomatique par la
République de Guinée Equatoriale ; il résulte des investigations effectuées, et notamment
par l’OPIAC, que, outre la liste des véhicules de prix dressée comme appartenant ou
ayant appartenu à Téodoro A… (D239), outre la liste des virements émis par la société
Somagui Forestal (D355) pour financer des achats de vêtements, de biens mobiliers,
objets de décoration de collection pour plusieurs millions d’euros (D242, 280, 284), outre
l’ensemble des investigations relatives à d’autres dépenses somptuaires (D494 à 515), il
résulte des investigations effectuées en 2011, par l’OCRGDF (D486) que l’immeuble situé
42 Avenue Foch à Paris, composé à l’origine de 5 appartements sur 5 niveaux a appartenu à cinq sociétés suisses en 2004, qu’une seule personne est propriétaire de la
totalité des actions composant ces sociétés (D475/ 2), que cette même personne fut
propriétaire d’une créance de 22. 098. 595 ¿ sur ces sociétés, qu’elle est propriétaire des
meubles meublants, que cet immeuble a été mis à disposition à titre gratuit de M. X,
identifié comme étant Téodoro A…, véritable propriétaire via Somagui Forestal des actions
composant le capital des sociétés suisses susvisées, soit les sociétés Ganesha, Re
Entreprise, Gep, Nordi And Shipping, Raya Holding et les deux sociétés françaises Foch
Services, et SCI Avenue du Bois, lesquelles sauf les deux dernières étaient domiciliées à
Fribourg dans une multifiduciaire (D640) et sociétés helvétiques pour lesquelles M.
Téodoro A… semble avoir donné procuration (D665) ; ces investigations ont établi que la
somme des travaux réalisés dans ce bien immobilier, pour un total d’environ 20 millions
d’euros (D484) a largement été financée par des virements provenant de Somagui
Forestal, qui a également financé la gestion et l’entretien de l’immeuble, estimé à 40
millions d’euros ; le 5 octobre 2011 (D476/ 6 à 2) les officiers de police judiciaire ont
constaté sur la porte d’entrée des lieux et dans les étages la présence de deux affichettes
de fortune, sous feuillet plastifié, « République de Guinée Equatoriale-locaux de
l’ambassade », tandis que figure l’adresse officielle de l’ambassade, 29 boulevard de
Courcelles à Paris 8ème, affichettes qui selon le gardien avaient été apposées la veille ; si
l’ensemble de ce bien immobilier aurait été l’objet d’un transfert de propriété par cession
des actions par Téodoro A… au bénéfice de la République de Guinée Equatoriale en date
du 15 septembre 2011, les investigations ultérieures sur place n’ont pas constaté
l’effectivité de ce transfert de propriété ; c’est avec pertinence que les juges d’instruction
ont noté que lors des saisies des véhicules appartenant à M. A…réalisées le 28 septembre
2011, notamment dans les locaux annexes à l’immeuble (parkings) et que deux jours
après ces opérations, un écriteau indiquant « Annexe Ambassade de Guinée Equatoriale
» était apposé sur la porte d’entrée du 42 avenue Foch et qu’il leur semblait tout à fait
curieux que l’acte de cession du 15 septembre, donc antérieur à ces mesures, n’ait pas
été produit et opposé à ce moment aux enquêteurs ; les enquêteurs ont pris attache le 27
octobre 2011 avec le service du protocole du ministère des affaires étrangères, qu’il leur a
été réaffirmé que les locaux du 42 Avenue Foch relevaient du droit commun et qu’il ne
s’agissait en aucun cas d’une adresse officielle de la République de Guinée Equatoriale
(D482) et ce malgré la note verbale n° 185/ 12 du 15 Février 20 12 de l’ambassade de
Guinée Equatoriale en date du 15 février 2012, note par laquelle cet Etat informait le quai
d’Orsay que ce bien était sa propriété pour laquelle il souhaitait une protection policière
(D543/ 2), ce que lui a refusé le ministère des affaires étrangères, refus contre lequel la
République de Guinée Equatoriale a protesté (D630) ; du 14 au 22 février 2012, les locaux
de cet immeuble ont été l’objet de perquisition (D555 à D568), qu’il résulte des
procès-verbaux des constatations dressés à cette occasion et de l’album photographique
des lieux (D585) que l’ensemble des pièces était réservé à un usage exclusif d’habitation
privée, comme l’ont également noté les juges d’instruction ; dès lors, les appels formés
contre l’ordonnance du 19 juillet 2012 prononçant la saisie immobilière du bien immobilier
sis à Paris 40/ 42 av. Foch sont mal fondés et l’ordonnance sera confirmée ;
” aux motifs adoptés que les investigations démontrent que l’immeuble sis 42 avenue Foch
à Paris 16ème détenu par six sociétés, suisses et françaises, a été financé en tout ou
partie avec le produit des infractions susvisées et constitue ainsi l’objet du blanchiment
des infractions d’abus de biens sociaux, abus de confiance et de détournement de fonds
publics ; que le nommé Téodoro A…, fils du président de Guinée Équatoriale, a la libre
disposition dudit immeuble ; qu’en effet, l’exploitation du dossier remis par les services
fiscaux et plus précisément les déclarations d’impôt sur la fortune des années 2005 à
2011 (Scellé ISF… un) a permis la découverte de documents remis par le cabinet CLC 65
avenue Marceau 75116 Paris, par lesquels il est indiqué que M. A…, résident de Guinée
Équatoriale est l’unique actionnaire depuis la fin de l’année 2004 des cinq sociétés suisses, Ganesha Holding, Nordi Shipping & Trading Co Ltd, GEP Gestion Entreprise
Participation, RE Entreprise et Raya Holding, cette dernière détenant le capital des
sociétés 42 avenue Foch et SCI avenue du Bois ; que ces six sociétés ressortent auprès
du bureau de la conservation des hypothèque de Paris (8ème bureau) comme étant les
copropriétaires de l’immeuble situé 42 avenue Foch à Paris 16ème ; qu’en outre, un
rapport de ce même cabinet d’avocats fait état qu’un certain « M. « X », résident de
Guinée Equatoriale est propriétaire de toutes les actions de la société Ganesha Holding
SA depuis le 20 décembre 2004 » ; que le rapport mentionne également « qu’il existe un
risque pénal encouru par le propriétaire de l’immeuble du 42 avenue Foch, à savoir l’abus
de biens sociaux, s’il était démontré la gérance de fait de M. A… Téodoro » ; que le
cabinet CLC précise par ailleurs que les sociétés suisses consentent à un abandon de
loyers au profit de M. « X », lequel occupe à titre gratuit les biens inscrits à l’actif social, et
que le montant des loyers que ces sociétés auraient dû normalement appeler, devraient
être intégrés dans leur résultat ; que les différentes auditions notamment de Mme K…du
cabinet Dauchez, administrateur de biens à l’époque, de Mme Linda L…, de la société L…,
cabinet de décoration, ainsi que les auditions d’anciens employés au service de M.
Téodoro A… ont également fait ressortir que l’intéressé prenait l’ensemble des décisions
concernant l’immeuble, supervisait l’ensemble des travaux et s’était toujours comporté
comme le propriétaire dudit immeuble ; qu’au travers des documents saisis en perquisition
dans les locaux de la société Foch Service chargée de la gestion de l’immeuble du 42
avenue Foch, il était constaté que la gérante, Mme M…, adressait la plupart de ses notes
et compte-rendu à M. A…, seul à prendre les décisions ; que les investigations récentes,
diligentées dans le cadre de l’exécution d’une commission rogatoire internationale
adressée aux autorités judiciaires helvétiques, notamment les perquisitions effectuées
dans les locaux des sociétés de fiducie ayant administré et géré les sociétés suisses
propriétaires du 42 avenue Foch, ont permis la découverte de documents attestant sans
ambiguïté que M. Téodoro A… en est l’unique actionnaire et le bénéficiaire économique
selon le droit suisse ; que ces sociétés n’ont d’ailleurs plus de comptes bancaires depuis
leur rachat fin d’année 2004 par le nouveau propriétaire, M. Téodoro A… ; que la
perquisition effectuée dans les locaux du 42 avenue Foch a permis également de
constater que les travaux effectués à cette adresse ont eu pour but de réunir l’ensemble
des pièces et l’ensemble des niveaux afin de ne constituer plus qu’un seul et même vaste
ensemble immobilier dont l’ensemble des salles communiquent par l’intérieur, ce qui ne
permet plus de distinguer les lots par sociétés propriétaires ; qu’ainsi, le lot n° 512,
appartenant à la société SCI Avenue du Bois représente une partie d’un appartement situé
au 4ème étage d’une surface de 150 m2 environ et l’autre partie de ce même appartement
constituant le lot n° 511 appartient à la société 42 avenue Foch ; la gestion des sociétés
précitées s’effectue au moyen de financements en provenance directement de Guinée
Equatoriale et plus particulièrement de la société Somagui Forestal SA ; qu’iI convient de
distinguer deux périodes : la période 2005-2007 durant laquelle les transferts de fonds se
font directement depuis la Guinée Équatoriale vers des comptes bancaires ouverts aux
noms des sociétés suisses auprès du Cabinet Dauchez, administrateur du bien immeuble
42 avenue Foch ; que de 2007 à ce jour, la société de droit français SARL Foch Service
dont l’objet est le paiement des charges inhérentes à la gestion de l’immeuble ainsi que
des frais de gestion du personnel affecté à l’entretien de l’immeuble et à la réception des
hôtes, est alimentée par des fonds provenant également de la société Somagui Forestal ;
qu’ainsi, l’exploitation et l’analyse des comptes bancaires de la société Foch Services
démontrent des liens financiers entre cette dernière et la société guinéenne Somagui
Forestal pour près de 2, 8 millions d’euros en provenance de celle-ci ; qu’iI convient de
préciser que l’objet social de la société Somagui Forestal, spécialisée dans l’exploitation et
la commercialisation du bois est totalement éloigné de celui de la Sarl Foch Services ; que
les travaux qui ont permis une transformation totale du bien sis 42 avenue Foch à l’initiative de M. Téodoro A… ont été évalués à près de 11 millions d’euros et ont été réglés
en partie par la société Somagui Forestal et pour une très grande partie par le débit d’un
compte intitulé « Téodoro A…, Présidence, Malabo » ; que ce mode de financement, pour
le moins singulier s’agissant d’un immeuble à usage privé, se retrouve dans les
acquisitions des objets d’art de grande valeur (pour 20 millions d’euros) et des véhicules
de luxe (pour 7 ou 8 millions d’euros), ceux-ci ayant d’ailleurs été saisis pour la plupart
dans la cour intérieure et dans les appartements du 42 avenue Foch ; que l’immeuble sis à
cette adresse est un bien immeuble privé et en aucun cas une représentation diplomatique
sur le territoire français comme cela a été rappelé par le ministre des affaires étrangères ;
que cet élément a été vérifié durant la perquisition puisque celle-ci a permis la découverte
d’objets, vêtements et autres effets personnels appartenant exclusivement à M. Téodoro
A… ; le contrat relatif à la cession des parts des sociétés suisses en date du 18 décembre
2004 découvert en Suisse pour un montant de 25 015 000 ¿ mentionne pour acquéreur le
nom de Téodoro A… Malabo Guinée Équatoriale à titre privé ; à aucun moment il n’est fait
état d’un quelconque titre ou fonction officielle sur cette convention ; en outre, lors de la
perquisition dans les locaux de la SARL Foch Services, des documents saisis révèlent la
volonté de M. Téodoro A…et de ses conseils d’opacifier davantage les liens financiers
entre les différentes structures personnes morales notamment par la création d’une
holding à Singapour ; qu’au cours de la perquisition effectuée auprès du cabinet de
fiscalité CLC a été notamment saisie la déclaration des plus-values pour l’année 2011
déposée pour le compte de Téodoro A… ; que cette déclaration en date du 15 septembre
2011, fait suite à la cession des droits sociaux qu’il détenait dans les sociétés suisses
copropriétaires du 42 avenue Foch au profit de l’Etat de Guinée Equatoriale ; toutefois cet
événement semble être un habillage juridique tendant à faire obstacle à toute saisie ; que
le montant de cette transaction porterait sur un montant d’environ 35 millions d’euros
(comprenant le prix de cession des parts et le rachat de créances) ce qui parait totalement
dérisoire et inconsidéré puisque le service France Domaine a évalué cet immeuble à 107
millions d’euros en juin 2012 ; que plusieurs incohérences montrent que l’acte a été rédigé
dans l’urgence afin de s’opposer aux opérations judiciaires ; qu’en effet, les saisies des
véhicules appartenant à M. A…ont été réalisées le 28 septembre 2011 ; que deux jours
après ces opérations, un écriteau indiquant (Annexe Ambassade de Guinée Équatoriale)
était apposé sur la porte d’entrée du 42 avenue Foch ; qu’iI semble tout à fait curieux que
l’acte de cession du 15 septembre, donc antérieur à ces mesures, n’ait pas été produit à
ce moment ; en outre, la perquisition effectuée au 42 avenue Foch au mois de février
2012, donc postérieurement à cet événement, a permis de constater que les effets
personnels, meubles et documents de M. Téodoro A… se trouvaient toujours dans les
lieux ; l’enquête américaine mentionne des revenus pour M. Teodoro A…, ministre de
l’agriculture et des forêts de l’ordre de 80 000 dollars par an, et fait état d’articles du code
pénal guinéen (article 399 CP) empêchant un ministre de pouvoir exercer une activité
commerciale ; que les frais d’acquisition de l’immeuble sis 42 avenue Foch, sa rénovation,
son entretien, sa décoration intérieure évalués à plus de cent millions d’euros sont sans
commune mesure avec les revenus qui lui sont connus ; que l’ensemble de ces éléments
démontre que M. Téodoro A… est le véritable propriétaire de l’immeuble sis 42 avenue
Foch et qu’au sens de l’article 131-21 du code pénal il en a la libre disposition ; que cet
immeuble encourt donc la confiscation en tant qu’objet d’une opération de placement, de
dissimulation et de conversion de fonds provenant d’infractions de détournement de fonds
publics, d’abus de biens sociaux, d’abus de confiance ; qu’en outre, Téodoro A…, se voit
reprocher des faits de blanchiment et encourt la confiscation de tout ou partie de ses biens
meubles ou immeubles, divis ou indivis, conformément à l’article 324-7 12° du code pénal
; que les investigations effectuées démontrent que c’est. M Teodoro A…, personne
physique, qui a la libre disposition de l’ensemble immobilier fictivement attribué à des
personnes morales ; qu’en l’absence de saisie pénale, une dissipation de la valeur de ce bien aurait pour effet de priver la juridiction de jugement de toute perspective de
confiscation, il y a donc lieu de procéder la saisie pénale de ce bien immeuble afin de
garantir la peine de confiscation ;
” 1°) alors qu’aucune saisie provisoire ne peut être effectuée à l’encontre d’un bien
immobilier appartenant à un tiers de bonne foi ; qu’en l’espèce, la République de Guinée
Equatoriale a produit à l’appui de son mémoire l’ensemble des documents justifiant que
depuis le 15 septembre 2011 elle était, au travers des sociétés dont elle était devenue
l’actionnaire unique, la seule et unique propriétaire des lots composant l’ensemble
immobilier visé par la saisie pénale immobilière prononcée le 19 juillet 2012 ; qu’en
décidant néanmoins que la saisie immobilière pratiquée sur cet ensemble immobilier était
valable, en relevant que M. Téodoro A… en serait le véritable propriétaire, la chambre de
l’instruction a dénaturé lesdits documents et ainsi privé sa décision de toute base légale
au regard des textes et principes susvisés ;
” 2°) alors que la chambre de l’instruction ne pouvait pas, pour justifier le maintien de la
saisie de l’immeuble appartenant à la République de Guinée Equatoriale, relever que les
investigations ultérieures réalisées sur place n’ont pas constaté l’effectivité du transfert de
propriété ou encore que M. Téodoro A… en aurait conservé la libre disposition ; que de
tels motifs inopérants privent la décision de toute base légale “ ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 22 de la Convention
de Vienne du 18 avril 1961, 131-21, 324-7 12° du code pénal, 706-141 à 706-152, 591 à
593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de saisie pénale immobilière en date
du 19 juillet 2012 ;
” aux motifs que si l’article 22 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, la
jurisprudence internationale et la jurisprudence française de la Cour de Cassation
reconnaissent le principe de cette immunité, il y a lieu d’examiner si les biens considérés,
soit l’immeuble du 40/ 42 avenue Foch à Paris et les biens meubles le garnissant ont été
destinés et ont effectivement servi à l’accomplissement d’une mission diplomatique par la
République de Guinée Equatoriale ; il résulte des investigations effectuées, et notamment
par l’OPIAC, que, outre la liste des véhicules de prix dressée comme appartenant ou
ayant appartenu à M. Téodoro A… (D239), outre la liste des virements émis par la société
Somagui Forestal (D355) pour financer des achats de vêtements, de biens mobiliers,
objets de décoration de collection pour plusieurs millions d’euros (D242, 280, 284), outre
l’ensemble des investigations relatives à d’autres dépenses somptuaires (D494 à 515), il
résulte des investigations effectuées en 2011, par l’OCRGDF (D486) que l’immeuble situé
42 Avenue Foch à Paris, composé à l’origine de 5 appartements sur 5 niveaux a
appartenu à cinq sociétés suisses en 2004, qu’une seule personne est propriétaire de la
totalité des actions composant ces sociétés (D475/ 2), que cette même personne fut
propriétaire d’une créance de 22 098 595 euros sur ces sociétés, qu’elle est propriétaire
des meubles meublants, que cet immeuble a été mis à disposition à titre gratuit de M. X,
identifié comme étant Téodoro A…, véritable propriétaire via Somagui Forestal des actions
composant le capital des sociétés suisses susvisées, soit les sociétés Ganesha, Re
Entreprise, Gep, Nordi And Shipping, Raya Holding et les deux sociétés françaises Foch
Services, et SCI Avenue du Bois, lesquelles sauf les deux dernières étaient domiciliées à
Fribourg dans une multifiduciaire (D640) et sociétés helvétiques pour lesquelles Téodoro
A… semble avoir donné procuration (D665) ; ces investigations ont établi que la somme
des travaux réalisés dans ce bien immobilier, pour un total d’environ 20 millions d’euros
(D484) a largement été financée par des virements provenant de Somagui Forestal, qui a
également financé la gestion et l’entretien de l’immeuble, estimé à 40 millions d’euros ; le
5 octobre 2011 (D476/ 6 à 2) les officiers de police judiciaire ont constaté sur la porte
d’entrée des lieux et dans les étages la présence de deux affichettes de fortune, sous
feuillet plastifié, « République de Guinée Equatoriale-locaux de l’ambassade », tandis que figure l’adresse officielle de l’ambassade, 29 boulevard de Courcelles à Paris 8ème,
affichettes qui selon le gardien avaient été apposées la veille ; que si l’ensemble de ce
bien immobilier aurait été l’objet d’un transfert de propriété par cession des actions par M.
Téodoro A… au bénéfice de la République de Guinée Equatoriale en date du 15
septembre 2011, les investigations ultérieures sur place n’ont pas constaté l’effectivité de
ce transfert de propriété ; que c’est avec pertinence que les juges d’instruction ont noté
que lors des saisies des véhicules appartenant à M. A…réalisées le 28 septembre 2011,
notamment dans les locaux annexes à l’immeuble (parkings) et que deux jours après ces
opérations, un écriteau indiquant « Annexe Ambassade de Guinée Equatoriale » était
apposé sur la porte d’entrée du 42 avenue Foch et qu’il leur semblait tout à fait curieux
que l’acte de cession du 15 septembre, donc antérieur à ces mesures, n’ait pas été produit
et opposé à ce moment aux enquêteurs ; que les enquêteurs ont pris attache le 27 octobre
2011 avec le service du protocole du ministère des affaires étrangères, qu’il leur a été
réaffirmé que les locaux du 42 Avenue Foch relevaient du droit commun et qu’il ne
s’agissait en aucun cas d’une adresse officielle de la République de Guinée Equatoriale
(D482) et ce malgré la note verbale n° 185/ 12 du 15 Février 2012 de l’ambassade de
Guinée Equatoriale en date du 15 février 2012, note par laquelle cet Etat informait le quai
d’Orsay que ce bien était sa propriété pour laquelle il souhaitait une protection policière
(D543/ 2), ce que lui a refusée le ministère des affaires étrangères, refus contre lequel la
République de Guinée Equatoriale a protesté (D630) ; que du 14 au 22 février 2012, les
locaux de cet immeuble ont été l’objet de perquisition (D555 à D568), qu’il résulte des
procès-verbaux des constatations dressés à cette occasion et de l’album photographique
des lieux (D585) que l’ensemble des pièces était réservé à un usage exclusif d’habitation
privée, comme l’ont également noté les juges d’instruction ; dès lors, les appels formés
contre l’ordonnance du 19 juillet 2012 prononçant la saisie immobilière du bien immobilier
sis à Paris 40/ 42 avenue Foch sont mal fondés et l’ordonnance sera confirmée ;
” 1°) alors qu’en application de l’article 22 de la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques du 18 avril 1961, les locaux des missions diplomatiques sont inviolables ;
qu’en l’espèce, la République de Guinée Equatoriale a indiqué au service du protocole du
ministère des affaires étrangères par une note verbale de l’ambassade en date du 4
octobre 2011 que l’immeuble sis 40/ 42, avenue Foch à Paris était utilisé « pour
l’accomplissement des fonctions de sa Mission Diplomatique » au titre des « locaux de la
mission diplomatique » tels que définis par l’article 1er de la Convention de Vienne ; qu’en
refusant d’annuler la saisie immobilière pratiquée sur cet ensemble immobilier le 16 juillet
2012, nonobstant son affectation à la mission diplomatique de la République de Guinée
Equatoriale, la chambre de l’instruction a violé les textes et principes susvisés ;
” 2°) alors que l’immunité diplomatique définie à l’article 22 de la Convention de Vienne
s’applique à l’ensemble des biens affectés à la mission diplomatique, quel qu’en soit leur
usage professionnel ou privé ; qu’en écartant l’inviolabilité de l’immeuble sis 40/ 42 avenue
Foch, affecté à la mission diplomatique de la République de Guinée Equatoriale, en se
bornant à relever qu’il aurait été réservé à un usage exclusif d’habitation privée, la
chambre de l’instruction a violé les textes et principes susvisés ;
” 3°) alors que l’affectation de biens immobiliers aux locaux d’une mission diplomatique
n’est soumis à aucun régime d’agrément préalable ou accréditif mais relève du seul
régime déclaratif ; qu’en validant néanmoins la saisie immobilière pratiquée le 16 juillet
2012 de l’immeuble situé au 40/ 42, avenue Foch à Paris, en se prévalant d’un refus du
service du protocole du ministère des affaires étrangères, la chambre de l’instruction a de
nouveau violé les textes et principes susvisés “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer l’ordonnance entreprise et écarter l’argumentation de la
République de Guinée Equatoriale qui exposait que, d’une part, l’avis du ministère public
n’avait pas été recueilli préalablement à la mesure, d’autre part, le bien saisi était devenu sa propriété du fait de la cession que M. Téodoro A… lui avait consentie, le 15 septembre
2011, de ses actions dans le capital des sociétés détentrices de l’immeuble, enfin, celui-ci,
affecté à sa mission diplomatique, ce dont elle avait informé le ministère des Affaires
étrangères par note du 4 octobre 2011, bénéficiait de l’immunité prévue à l’article 22 de la
Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, l’arrêt énonce que
le bien, produit direct de l’infraction de blanchiment, a été à juste titre saisi par le juge
d’instruction au visa des articles 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale, qui ne
prévoient pas l’avis préalable du ministère public ; que les juges ajoutent qu’il ne résulte
pas des investigations diligentées postérieurement à l’acte de cession précité que le
transfert de propriété de l’immeuble ait été effectif, toutes les pièces qui le composent
étant réservées à un usage exclusif d’habitation privée ; qu’ils relèvent, enfin, que selon le
ministre des Affaires étrangères et européennes, les locaux saisis relèvent du droit
commun et ne constituent en aucun cas une adresse officielle de la République de Guinée
Equatoriale ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il se déduit que l’ensemble immobilier,
n’étant pas un local de la mission diplomatique de la République de Guinée Equatoriale,
ne bénéficiait pas de l’immunité invoquée, et dès lors que la saisie des immeubles dont la
confiscation est prévue par l’article 131-21, alinéa 3 du code pénal, seul fondement retenu
en l’espèce, peut, sous réserve du droit du propriétaire de bonne foi, porter sur tous les
biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, la chambre de
l’instruction, qui a fait une exacte application de l’article 706-150 du code de procédure
pénale, a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 000 euros la somme globale que les demandeurs devront payer à l’association
Transparency International France, partie civile, au titre de l’article 618-1 du code de
procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président
le cinq mars deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de
chambre ;
Publication :
Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris
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